Dominique MURAT,

célèbre Capbretonnais méconnu.                          par Jean Lartigue


Le 13 septembre 1735, Dominique Murat, qui exerce la profession de marinier, épouse à Capbreton Catherine Ducassou. De leur union naîtra, en 1742, Dominique. Ce dernier, après une adolescence dirons-nous sans histoires, épris d'aventure, quitte alors le petit port landais pour un plus important, celui de Bordeaux où les affaires sont plus florissantes. C'est, à l'époque, une plaque tournante du commerce avec l'extérieur et de trafics en tous genres.
Dominique Murat s'étant quelque peu aguerri dans diverses transactions décide d'aller tenter sa chance vers les Antilles, plus précisément à Marie-Galante, dans un contexte esclavagiste exacerbé. Nous sommes en 1770 (il n'a pas encore trente ans).


UN PEU D'HISTOIRE.

Nul n'ignore que l'arrivée des navigateurs européens dans les Antilles s'est traduite par de nombreux affrontements avec les populations autochtones amérindiennes installées là pour la plupart depuis le IX° siècle. Ainsi, lorsque Christophe Colomb à la tête de 2000 Espagnols débarque à Anse Ballet le 3 novembre 1492, il s'ensuit un énorme génocide de la population caraïbe de Marie-Galante, tout comme cela s'était produit avec les Arawacks des Grandes Antilles. La réputation d'anthropophages des Caraïbes poussait les ennemis à les exterminer.
Plus tard, ce sont les colons français qui, sous la houlette de leur gouverneur Hollel, se chargèrent de cette triste besogne. A tel point que Marie-Galante, en 1665, ne comptait plus que 350 âmes. C'est dans ce contexte de pénurie démographique que, paradoxalement, se développa la culture de la canne à sucre initiée par des Juifs marranes chassés du Brésil et du Surinam par les Portugais. D'où la nécessité d'importer une nouvelle main d'?uvre. D'où les premières vagues d'esclaves venant d'Afrique.
Dès lors, la population n'en finissait plus de croître avec toutefois une constante : il y avait plus d'esclaves que de blancs.
704 esclaves pour 1221 habitants en 1671
745 esclaves pour 1271 habitants en 1687
La plupart des esclaves que comptait Marie-Galante arrivera dans la période 1720-1790. Elle ira de pair avec l'activité sucrière dont l'apogée se situera en 1835 : 106 habitations sucrières sur 2725 hectares, employant 10116 esclaves pour 13188 habitants.
C'est dans ce contexte économico-esclavagiste que notre Capbretonnais arrive pour construire ce qui deviendra une des plus grosses fortunes de l'île. Il s'installe en tant que négociant et caféier à Capesterre. Profitant de la confiscation des exploitations des émigrés royalistes il se déclare notaire. C'est devant Maître Murat que le nouveau député de la Guadeloupe Robert Coquille donne procuration à son épouse, le 17 avril 1790, pour la gestion de leurs biens.
Dominique Murat fait alors parti d'un comité de colons acquis aux idées de la Révolution française, ce qui lui confère un certain pouvoir et une notoriété incontestable.

Lorsque Marie-Galante, en désaccord avec la Guadeloupe restée fidèle au roi, renvoya le commandant militaire Desnoyers et déclara son indépendance vis-à-vis de la Guadeloupe en
novembre 1792, elle nomma Murat à la présidence de l'île. Il devient une des plus grosses fortunes de Marie-Galante.
Malgré l'abolition de l'esclavage en 1794, et la redistribution aux esclaves d'habitations, Dominique Murat, de par sa position, conservera l'intégralité de ses biens. Mieux, en 1807, avec son fils Dominique-Emmanuel, il acquiert à bas prix (520.000 livres) l'habitation sucrière de Marie Elisabeth Dumoulier, veuve de Michel Jacques Poisson (une des plus anciennes familles de planteurs de l'île, à Grand-Bourg,  d'origine rochelaise), profitant dans ce cas d'une période de difficulté financière de la brave veuve, pratiquement ruinée. Bellevue-Laplaine, nouveau nom de cette acquisition sera dotée en 1814 d'un grand moulin à vent à six ailes. Les bâtiments agrandis compteront neuf chaudières contre quatre auparavant. Tous ces aménagements iront dans le sens de la rentabilité commerciale surtout avec les Anglais. Ainsi, Dominique Murat, par ses manigances, se retrouvera en possession de la plus importante sucrerie de Marie-Galante au XVIII° siècle. Toutefois, la mauvaise gestion des héritiers conduira l'exploitation à la faillite en 1868.


 


Aujourd'hui, l'habitation Murat, propriété du département de la Guadeloupe, passée à la postérité, revit sous la forme d'un Ecomusée en pleine réhabilitation. C'est la vitrine de toute cette époque tumultueuse du patrimoine de Marie-Galante.
Voila pour le parcours de Dominique Murat. Mais qui était l'homme ?


DOMINIQUE MURAT :

Dominique Murat débarque donc vers 1770 à Marie-Galante et déjà il se fait remarquer. Il aurait eu un fils, Modeste, avec une femme de couleur, qu'on retrouve comme caporal dans une garnison de l'île en 1795, mais qui ne sera jamais reconnu en tant qu'héritier. Modeste Murat prendra pour épouse le 9 juin 1798 à Grand-Bourg, Anne-Rose Tanneur.
Pour sa part, Dominique Murat liera sa destinée à celle de Françoise Morel, une habitante de Vieux-Fort, en ce lieu le 3 février 1781. Elle est la fille de François Morel et Françoise Vieillard, une des plus grandes familles de Marie-Galante. Les témoins de la cérémonie sont aussi des notables : Jean Baptiste Simon Delaballe fils, officier de milice à Grand-Bourg (qui sera plus tard le beau-père de Dominique Emmanuel, leur fils unique),- Pierre Larrouy chirurgien,- Louis Appolinaire Abraham Vittet, notaire royal,- et Nicolas Laroche, habitant.
Dominique Emmanuel, le fils unique, né à Capesterre le 20 mars 1783, accompagnera son père comme clerc de notaire. Comme vu précédemment, il épousera le 6 mars 1804, Jeanne Rose dite Elise Delaballe, née le 23 mars 1788  fille d'un des témoins du mariage de son père, Jean Baptiste Simon et de Louise Félicie Beillert. Elle lui donnera huit enfants, et décèdera neuf mois après la naissance du dernier, à l'âge de 37 ans, le 26 août 1825. Quant à Dominique Emmanuel, il mourra le 22 septembre1839. Il avait 56 ans.
Mais pour revenir à Dominique Murat, voila ce que l'on peut lire sous la plume de Benoît Hopquin dans Le Monde du 16 août 2006 : «  Et puis il y a le maître, Dominique Murat, vieillard entouré de ses enfants, de ses chiens et de ses esclaves, piteux despote au soir de sa vie. Venu de Capbreton, le Gascon débarque à Marie-Galante en 1770, à 27 ans. Notaire roué, il profite de la Révolution et de la confiscation des biens nationaux pour s'établir d'abord dans le café. En 1807, à l'époque de l'occupation anglaise, il s'approprie un large domaine sucrier et ses 108 serviteurs. Ce Rastignac des Tropiques se coule sans état d'âme dans le modèle esclavagiste pour faire prospérer une exploitation qui compte bientôt plus de 300 asservis. Fier de sa réussite, il fait construire une demeure cossue de style bordelais, pompeusement baptisée « château »?.
Le paillard Murat engrosse à l'occasion quelques esclaves. Il use de la contrainte mais pas seulement. « Certaines femmes acceptent cette relation avec l'espoir d'offrir un meilleur avenir à leurs enfants » explique Pierre Cafournet. Le maître donnera leur liberté et même son nom à certains de ces métis, comme Modeste Murat qui deviendra caporal dans l'armée et se mariera à une Blanche? »
Christian Montbrun qui fut pendant vingt ans conservateur de l'Ecomusée de Marie-Galante écrit dans son ouvrage L'habitation Murat : « C'est à la faveur de cette conjoncture que Murat, à la fois notaire, négociant, deviendra le plus gros planteur sucrier esclavagiste de Marie-Galante au XIX°siècle. Ainsi, il contrôlait une grande partie des affaires de l'île. Profitant largement de sa puissance et de son influence, il pouvait facilement se procurer une abondante main d'?uvre servile et à bon marché avec la complicité des négociants qui, comme lui, étaient d'origine métropolitaine.
C'est pourquoi Murat possédait la plus vaste sucrerie et le plus grand nombre d'esclaves à Marie-Galante. Il avait réussi à faire de sa plantation un véritable enfer, une prison pour ses esclaves avec ses spécialistes, gérants, économes, commandeurs, gonflant les effectifs en pleine débâcle économique du système esclavagiste. »

Dominique Murat décèdera le 23 octobre 1819 à l'âge de 76 ans

Jean  Lartigue

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SOURCES :

- Christian Montbrun : « L'habitation Murat ».
- Benoît Hopquin : « Guadeloupe -les séquelles de l'esclavage » Le Monde du 16 août 2006.
- Bernadette et Philippe Rossignol : « Les familles Murat et Poisson à Marie-Galante ».
- Photos de M. et Mme GODDET.

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